Crise : le passage des responsables devant le juge pénal est
inéluctable.
Régis De Castelnau
"Face à une
telle tragédie, la colère sera immense et face à des milliers de plaintes
pénales venant de toute la France, il faudra rappeler fermement au corps des
magistrats, au nom de qui ils doivent rendre justice. Et ceux qui ont failli
devront rendre des comptes."
"Face à
une telle tragédie, la colère sera immense et face à des milliers de plaintes
pénales venant de toute la France, il faudra rappeler fermement au corps des
magistrats, au nom de qui ils doivent rendre justice. Et ceux qui ont failli
devront rendre des comptes."
Emmanuel Macron
serait, nous dit le Parisien en « colère froide », excédé par ceux qui sur les
plateaux de télévision critiquent sa gestion de la crise, et il considère comme
« irresponsable » le fait de saisir la justice pour qu’elle identifie et
condamne les fautes pénales commises par les décideurs publics dans la gestion
de la catastrophe pandémique connaît notre pays. Ayant décidément du mal avec
le débat démocratique, il se fait menaçant faisant dire à un de ces « chevaux
légers » la chose suivante : « Quand cette crise sera passée, on aura tous à
rendre des comptes. Tous sans exception. La majorité bien évidemment et c’est
normal. Mais aussi tous ceux qui ont joué, à certains moments, à un jeu
dangereux pour déstabiliser le pays dans une période où l’unité prévalait ».
Bigre, va-t-il
demander au Parlement de voter un nouvel article du code pénal réprimant «
l’intelligence avec l’ennemi Coronavirus » ? Inquiétantes rodomontades.
La "guerre" pour cacher les faillites.
Certes pour
l’instant, il s’agit d’affronter dans les moins mauvaises conditions le défi de
la catastrophe sanitaire. Incontestablement le peuple français a trouvé des
ressources en son sein pour que ceux qui sont indispensables soient malgré les
risques à leur poste. « Nous sommes en guerre » nous a martelé celui qui se
prend pour Clemenceau et joue les présidents thaumaturges. On lui répondra qu’à
la guerre, on juge les généraux incompétents et parfois on les fusille. Et
cela, présidents ministre fonctionnaires le savent bien, et manifestement
appréhendent l’heure des comptes. Ils savent l’état déplorable du système
hospitalier français dont ils sont les principaux responsables, le scandale des
masques, des tests, la pénurie de matériel, les mensonges, le criminel premier
tour des municipales, les invites Macroniennes à aller au théâtre etc. etc,
n’en jetez plus ! Malgré cela, Emmanuel Macron joue « les pères de la nation »
et délègue Édouard Philippe au colmatage, qui ose proclamer : « Je ne laisserai
personne dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision s’agissant du
confinement ».
Eh bien Monsieur le
Premier ministre, dans un pays démocratique, même en guerre si on doit faire
son devoir, on peut aussi critiquer la façon dont nos gouvernants font le leur.
Or nous constatons qu’il y a eu du retard en tout et que la gestion a été
marquée par le dogmatisme, l’amateurisme, l’imprévision, le mensonge et
l’absence de transparence. Pour essayer d’éviter les responsabilités vous
inventez la fable grossière « de la crise imprévisible » due au mensonge
chinois sur leur nombre de morts. Quiconque a suivi d’un peu près la crise
déclenchée en Chine savait ce qui nous attendait. Beaucoup d’experts le
disaient, et l’OMS avait tôt lancé l’alerte. Depuis les précédentes épidémies
de Coronavirus, tous les dirigeants auraient dû savoir et prévoir ce qui nous
attendait. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs en 2010, la France
possédait un stock de masques pléthorique.
Jérôme Salomon,
l’actuel directeur général de la santé avait remis, un rapport à Macron
candidat en 2017 dans lequel il indiquait que la France n’était pas prête pour
encaisser une pandémie. Cela n’a pas empêché celui-ci, accompagné du même
Salomon, de poursuivre la mise en œuvre de la destruction du système de santé
français, en réprimant férocement ceux qui s’y opposaient. Imprévisible la
crise ? Alors que raconte Agnès Buzyn dans ses aveux ? Quand elle dit qu’elle
savait tout à partir du 10 janvier, qu’elle a prévenu le président, le Premier
ministre et le directeur de la santé ? Pendant qu’elle mentait aux Français en
leur disant qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter ?
Alors face à la
colère qui monte, et à l’exigence populaire de la reddition des comptes, devant
le juge pénal si nécessaire, on allume les contre-feux et on menace.
Un lot d'infractions considérable.
On retiendra de
cette triste opération de communication, la lettre signée de six anciens
ministres de la santé qui nous disent que le gouvernement a été formidable !
Probablement une façon pour eux aussi de tenter de se dédouaner, car
l’affaiblissement méthodique de notre système de santé que nous payons si cher,
ils en ont été les exécutants dociles depuis 30 ans. Ils seraient bien avisés
de tous raser les murs. Pour ma part je retiens cette consternante tribune
signée par deux avocats dans les colonnes de l’Obs où l’on met sans état d’âme
ignorance et mauvaise foi au service d’une triste cause. En disant vouloir
éviter à la justice de tomber dans le piège qui lui est tendu : juger l’action
politique au prétexte d’un procès pénal. Comme si c’était le problème !
La gestion de la
crise par le gouvernement et par l’État depuis le début du mois de janvier a
été, chacun le sait bien aujourd’hui, calamiteuse. Les aveux pleurnichards
d’Agnès Buzyn n’en sont finalement qu’une confirmation. Le comportement de nos
dirigeants a été marqué par l’impréparation, la désinvolture, le cynisme, et
beaucoup de leurs actes relèvent de l’application du code pénal. Homicides par
négligences, mise en danger délibéré de la vie d’autrui, non-assistance à
personne en danger, détournement de biens (disparition des stocks de masques et
de chloroquine) nous avons affaire à un véritable florilège. Mais il faut bien
comprendre que ce sont toutes les chaînes de commandement de l’État qui sont
impliquées. Il n’y a pas que les ministres, Jérôme Salomon par exemple est un
haut fonctionnaire, il relève quant à lui des tribunaux ordinaires.
On ne va pas ici
faire la liste de toutes les infractions que l’on pourrait relever dans la
gestion de la crise, simplement donner quelques exemples qui démontrent
l’inanité des arguments avancés pour prétendre qu’il n’y en a pas.
Les deux auteurs de
la tribune de l’Obs n’hésitent pas nous dire : « Mise en danger de la vie
d’autrui ? Elle suppose, selon l’article 223-1 du Code pénal, que le coupable
ait violé, de façon « manifestement délibérée », une « obligation particulière
de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Quelle
obligation « particulière », qu’elle soit légale ou réglementaire, les membres
du gouvernement ont-ils délibérément violée ? Aucune : « il n’y a donc pas eu
mise en danger de la vie d’autrui. » Pardon ?
Le confinement est
une réglementation particulière de sécurité prévue par décret. Il a pour but
d’éviter la propagation du virus, et l’extension de la maladie et de la mort
aux autres citoyens. Le violer, refuser de l’exécuter constitue bien évidemment
cette « mise en danger délibéré » prévu au code pénal. Le Canard enchaîné nous
apprend que Monsieur Nuñez aurait refusé de demander aux forces de l’ordre sous
son autorité de le faire respecter dans certaines banlieues, ce refus
d’accomplir sa mission a exposé les habitants à des risques de maladies et de
mort, tout simplement. Si cette défaillance est réelle, Monsieur Nuñez devra
être jugé et en répondre.
Calamités.
Et puis il y a bien
sûr les homicides et blessures involontaires (article 221–6 et 121–3 du Code
pénal), ou pour pouvoir être poursuivi et condamné il faut avoir « violé de
façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de
sécurité » (comme en matière de mise en danger) ou encore « commis une faute
caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité ». Et
nos deux auteurs d’affirmer tranquillement qu’il n’y a eu aucune faute. Pardon
? Tous les contaminés décédés du fait de la carence semble-t-il volontaire de
Monsieur Nunez sont morts par hasard ? L’organisation calamiteuse du premier
tour des élections municipales qui va entraîner des centaines de victimes, ne
serait pas une faute caractérisée ? Alors même que comme l’a avoué Agnès Buzyn
elle avait prévenu le présent de la république et le Premier ministre du danger
dès le mois de janvier ? Et que dire des saillies lamentables, de Sibeth Ndiaye
voix du gouvernement et par conséquent d’Édouard Philippe venant marteler
mensongèrement et probablement délibérément sur les ondes « que les masques ne
servaient à rien » exposant au risque ceux qui prenaient cela pour argent
comptant.
Tant de
méconnaissance de la matière sidère. Sans trop insister sur un argument
d’autorité, l’auteur de cette tribune rappelle qu’il a écrit plusieurs livres
sur le sujet de la responsabilité pénale des décideurs publics, enseigné la
matière à l’université Paris II, et traité dans son cabinet plus d’une centaine
de dossiers d’agents publics mis en cause sur la base de ces infractions. Il
prétend par expérience savoir de quoi il parle.
Et il y a aussi les
infractions qui relèvent du fameux chapitre « des atteintes à la probité » du
Code pénal qui ne concerne que les agents publics. Juste un exemple, il faudra
nous dire ce que sont devenus les stocks de masques et de chloroquine. Il semble
bien que ce qui constituaient des biens publics ont été détournés ce que
réprime l’article 432–15 du code, sans oublier le 432–16 qui lui punit les
fonctionnaires dont la négligence a permis de détournements. N’en jetons plus…
Ministres et hauts
fonctionnaires sont des agents publics. Ils devront en répondre comme dans le
précédent parfaitement connu du « sang contaminé ».
Et ceux qui ont failli devront rendre des comptes.
Ce que l’on va
préciser maintenant et que cette reddition des comptes devant le juge pénal est
inéluctable et elle aura lieu.
L’article 2 du code
de procédure pénale précise qui a intérêt pour agir et se constituer partie
civile : « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un
délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement
souffert du dommage directement causé par l’infraction. » C’est-à-dire, que les
familles et les ayants droits des personnes décédées, ceux qui garderont des
séquelles physiques de la pandémie, mais aussi les victimes économiques
pourront déposer le moment venu des plaintes « simples » entre les mains du
procureur de la république de tous les tribunaux judiciaires français. Il
existe déjà des plates-formes numériques qui fournissent les modèles qui
rassemblent les plaignants. On peut légitimement craindre que les parquets qui
ont été si actifs dans la répression du mouvement social des gilets jaunes, si
zélés dans le refus de poursuivre les violences policières et les infractions
commises par membres de l’entourage du président, poursuivent dans la même voie
de soutien sans barguigner de l’État Macron. Qu’à cela ne tienne, si ces
parquets restent sans réagir pendant trois mois ou classent sans suite, les
plaignants récupéreront leur pouvoir d’initiative et pourront déposer des
plaintes avec constitution de partie civile. La nomination de juges
d’instruction (juges du siège théoriquement indépendants et impartiaux) sera
obligatoire. Les instructions pourront se dérouler dans un cadre contradictoire
et dans le respect des règles du code de procédure pénale. Il n’est pas temps
de dire si tous les gens dont nous parlons serons condamnés, mais en tout cas
ils seront jugés.
Face à une telle
tragédie, la colère sera immense et face à des milliers de plaintes pénales
venant de toute la France, il faudra rappeler fermement au corps des
magistrats, au nom de qui ils doivent rendre justice. Et ceux qui ont failli
devront rendre des comptes.
Régis de Castelnau
Avocat à la cour et
blogueur.
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