Banderoles anti-Macron :
La magistrature
s'applique avec zèle à empêcher toute critique du chef de l'Etat. Des citoyens
ayant affiché des banderoles anti-Macron à leurs fenêtres ont été placés en
garde à vue pour outrage, au mépris du cadre légal.
Avec Régis de
Castelnau
La décision de
mettre en œuvre une stratégie de confinement pour lutter contre la pandémie
Covid 19 a été dans un premier temps acceptée avec discipline par les Français.
Et avec résolution et courage par ceux à qui on a demandé de monter au front et
de tenir ce pays, personnel soignant et premiers de corvée. Comme l’a
astucieusement formulé Rachida Dati : « finalement ce sont les villes jaunes
qui portent ce pays à bout de bras ».
Malheureusement, les
Français ont été contraints à deux constats. Tout d’abord l’invraisemblable
incurie à la fois du gouvernement et de l’administration dont les errements, la
préparation, l’amateurisme, l’inconséquence et la lourdeur ont lourdement
aggravé cette violence pourtant considérée au départ par les Français comme
nécessaire et les conséquences sanitaires économiques de cette crise. Et le
deuxième constat est que mise en place et pratique du confinement ont été
marquées par une mise en œuvre punitive et policière. Il y a bien sûr
l’invraisemblable traitement de la population par les forces de police et
surtout de gendarmerie dans une utilisation brutale et massivement arbitraire
du système des amendes pour les infractions au confinement. Des milliers
d’exemples consternants de ce qui a été infligé à une population déjà
brutalisée au plan matériel et psychologique en dit long sur la conception de
ce pouvoir de son rapport au peuple. Qu’il vit comme un adversaire voire comme
un ennemi, qu’il est indispensable de mater. Sur cette question du rôle des
forces de l’ordre, vue à l’œuvre dans la répression sans précédent contre les
gilets jaunes, le mouvement des hospitaliers et la lutte contre le projet de
réforme des retraites, cette culture, a trouvé à s’exprimer à nouveau.
L’exemple des nouvelles saillies du préfet Lallement en est une triste
illustration.
Malheureusement la
justice n’a pas été en reste. Comme le démontre une fois encore sa passivité devant
l’arbitraire policier, mais surtout cette étrange volonté de soutenir Emmanuel
Macron fût-ce aux dépens de nos libertés publiques. On sait que le pouvoir
Macronnien a un gros problème avec la liberté d’expression comme vient de le
rappeler dans ces colonnes Anne Sophie Chazaud. Cette aversion constante trouve
un écho dans la magistrature avec le zèle que déploie actuellement les parquets
pour museler la liberté d’expression de ceux qui contestent le pouvoir
d’Emmanuel Macron. C’est la fameuse histoire des banderoles de Toulouse ou à la
stupéfaction générale on a appris que le parquet avait mandaté la police pour
mettre en garde à vue une citoyenne qui avait affiché sur sa propriété une
petite banderole intitulée : « Macronavirus, à quand la fin ? ». Le terme
Macronavirus était emprunté à une couverture de Charlie hebdo datant de
quelques semaines qui lors de la publication n’avait provoqué aucun émoi.
L’affaire ayant fait quelque bruit, cette banderole est devenue virale et des
citoyens confinés dans leurs appartement-prisons ont repris l’affiche et
affichée à leurs fenêtres. Des parquetiers zélés oubliant qu’ils sont au
service de la république et non pas de la personne d’Emmanuel Macron ont
multiplié les interventions menaçantes et promis des procédures. La volonté
d’intimidation et de sanction d’un peuple rétif saute aux yeux. Parce qu’en
effet, sur le plan des principes fondamentaux et du droit tel qu’il s’applique
ces démarches parquetières sont quand même très problématiques.
Il existait depuis
la IIIe République dans le droit français une infraction appelée : « offense au
chef de l’État ». La filiation avec le crime de « lèse-majesté de l’ancien
régime » était évidente, et ce qui était interdit c’était de s’en prendre à la
personne même du chef de l’État. Cette infraction était tombée en désuétude et
sous la Ve République, les présidents Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand
et Chirac avaient successivement annoncé qu’ils refusaient d’en faire usage.
Sous Nicolas Sarkozy, un procureur zélé avait trouvé astucieux de poursuivre et
de faire condamner (!) un passant, qui au passage du président avait repris la
fameuse phrase « casse-toi pauvre con ». La cour Européenne des Droits de
l’Homme alors saisie, avait rendu à l’encontre de la France une décision
cuisante pour ceux qui avaient prêté la main à cette atteinte à la liberté
d’expression. Sur ce, devant l’évidence du caractère contraire à la liberté
d’expression de cette infraction, le délit « d’offense au chef de l’État » a
été purement et simplement abrogé.
Alors pour justifier
juridiquement cette agitation judiciaire et policière contre les banderoles, on
utilise une autre incrimination. Celle contenue dans l’article 433–5 du code
pénal ainsi libellé : « Constituent un outrage puni de 7 500 euros d'amende les
paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus
publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une
mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa
mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la
fonction dont elle est investie. » En quoi l’affichage chez soi la banderole «
Macronavirus à quand la fin » peut-elle être retenue dans les liens de la
prévention, et justifier déploiements policiers, détentions arbitraires (ce
qu’est une garde à vue injustifiée) et autres intimidations ? Quiconque sait
lire voit bien que pour qu’il y ait outrage il faut que celui-ci soit commis
dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission par l’agent public
outragé. On rappellera au passage que la loi pénale est d’interprétation
restrictive. On imagine bien qu’une bordée d’injures à un agent en train de
verbaliser votre automobile, ou une interruption à base d’insultes du chef de
l’État prononçant un discours dans la cour des Invalides constituent bien des
outrages. En quoi une caricature pas bien méchante d’ailleurs, vue par une
poignée de passants confinés, pendant qu’Emmanuel Macron vaque à ses
occupations à 800 km de là, peut-elle être considérée comme un outrage ? La
deuxième condition relative au fait de porter atteinte à la « dignité de la
personne ou respect dû à sa fonction » est elle aussi totalement absente. C’est
bien la personne d’Emmanuel Macron qui est brocardée, pas la fonction de chef
de l’État en elle-même. C’est même plutôt d’ailleurs l’expression d’un respect
dans la mesure où les auteurs souhaitent manifestement qu’elle soit occupée par
quelqu’un de plus respectable à leurs yeux…
On voit bien là la
volonté même pas cachée d’empêcher toute critique d’Emmanuel Macron. Dire comme
70 % des Français d’après les sondages que celui-ci est un mauvais président
serait donc un outrage ? Tout ceci est assez lamentable mais surtout très
inquiétant. Qu’il se trouve dans la magistrature, puisque les procureurs sont
des magistrats, des gens pour déployer ainsi un zèle militant au service du
président le plus impopulaire de la Ve République, en dit long sur la culture
des libertés publiques fondamentales qui les habitent.
Et cette inquiétude
est aggravée par le manque de réaction au sein du corps face à de tels
manquements. Les organisations syndicales de magistrats en général peu
respectueuses du principe d’impartialité, et très prolixes quand il s’agit de
donner des leçons de morale, sont singulièrement muettes face à ce qui
constitue quand même depuis deux ans, une instrumentalisation de la justice à
des fins politiques. Et le constat de cette acceptation qui perdure, du rôle
répressif assigné à la justice par un pouvoir minoritaire, et ce pendant le confinement
qui contraint lourdement nos libertés, et malheureusement très inquiétant.
On attend toujours
les signes du ressaisissement.
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