Michel Onfray :
“Je crois à un défaut d’intelligence doublé d'une
suffisance abyssale de la part de ceux qui nous gouvernent”
Si nombre
d'intellectuels organiques n'ont de cesse de trouver mille vertus au chef de
l'État en même temps qu'ils fustigent les délires du petit peuple qui fait
provision de papier toilette et de pâtes, Michel Onfray n'oublie pas la
responsabilité immense de nos dirigeants et de ceux qui relaient leur
propagande.
Valeurs actuelles.
Longtemps, la France a cru bon de vouloir nier l'évidence de cette crise
sanitaire mondiale, de la minimiser. Comment expliquez-vous ce déni ?
Michel Onfray. C'est
tellement énorme que je ne parviens pas à conclure à la bêtise crasse des gens
de ce pouvoir ! Pourtant, dès le 28 janvier, j'étais sur un plateau de
télévision, muni de mon simple bon sens, sachant ce que tout le monde savait,
car je ne bénéficie d'aucun réseau d'informations particulières, réfléchissant
sur les faits, et des remarques s'imposaient : la Chine, pays totalitaire s'il
en est, n'a que faire d'avoir 100 000 ou 200 000 morts de plus dans son pays de
plus d'un milliard et demi d'habitants… Dès lors, si ce gouvernement
marxiste-léniniste confinait une ville de 15 millions de résidents, c'est qu'il
y avait péril en la demeure planétaire… Pas la peine d'être grand clerc. Il y
avait sur ce plateau un médecin, qui défendait l'hypothèse de la grippette, et
Jean-Michel Aphatie, qui jouait la partition d'un sous-Minc ou d'un sous-Attali
avec sa soupe maastrichtienne convenue. Je crois à un défaut d'intelligence, à
un manque de réflexion doublé d'une suffisance abyssale de la part de ceux qui
nous gouvernent et qui ont l'habitude de ne pas penser, de ne plus penser, tout
au projet qui est le leur de faire fonctionner la machine libérale à plein
régime, le peuple dût-il disparaître et avec lui l'État, la nation, la
République.
Je crois à un défaut
d'intelligence, à un manque de réflexion doublé d'une suffisance abyssale de la
part de ceux qui nous gouvernent.
À croire que la première
urgence de ce gouvernement était de préserver le modèle libre-échangiste et ce
que vous appelez « l'État maastrichtien »…
Oui bien sûr, il n'y a
que ça chez ces gens-là, dont le ressort est machiavélique : ils font tout pour
avoir le pouvoir et, quand ils l'ont, ils font tout pour le garder. Sans foi ni
loi, ils sont prêts à tout pour faire avancer leur projet qui est clair,
Jacques Attali l'a écrit noir sur blanc dans Demain, qui gouvernera le monde ?
en 2011. Le projet d'Europe de Jean Monnet, issu de la CIA, voulu par tous les
hommes d'État au pouvoir depuis Mitterrand, en 1981, suppose des choses
précises : supprimer la souveraineté nationale, détruire le pouvoir de l'État,
afin de rayer de la carte la nation française et la République, obtenir ainsi
une Europe que je dis “maastrichtienne”, qui fonctionne comme le premier rouage
d'une machine qui entend produire à terme un État universel avec un
gouvernement planétaire qui économiserait les peuples et imposerait, sur le
principe saint-simonien, un gouvernement dit “de techniciens”, qui serait en
fait celui du capitalisme planétaire. Le même Attali a vanté les mérites des
pandémies sous prétexte qu'elles contribueraient à rendre l'idée d'un
gouvernement planétaire acceptable pour le commun des mortels. Je crains que,
sur ce sujet comme sur le reste, Attali se trompe et que pareille pandémie
démontre plutôt le contraire, à savoir la nécessité d'un retour de l'État
protecteur, qui ferme les frontières, décide, active la police et l'armée pour
imposer ses décisions : c'est le retour du souverainisme qui s'impose et non
l'avènement du mondialisme. Le virus est mondialisé, mais la riposte médicale
s'avère souverainiste : le mal est identifiable, le bien aussi.
La France aura été le
dernier pays européen à maintenir ses frontières ouvertes sous prétexte qu'« un
virus ne s'arrête pas aux frontières », selon la formule d'Olivier Véran, le
ministre de la Santé. Pour vous, il est clair que les Français ont été exposés
au virus par “idéologie européiste” ?
Bien sûr… Ces gens
font de la politique tout le temps, ils ne font que ça, d'ailleurs… Et la
politique, pour eux, c'est ce que je viens de vous dire : travailler à la
destruction des États afin d'imposer le règne sans partage du capitalisme.
L'article de Francis Fukuyama, « La fin de l'histoire ? », est d'ailleurs
programmatique : en 1989, il révélait très précisément le projet maastrichtien
le triomphe sans partage du capitalisme planétaire. Protéger les Français
s'avère le cadet des soucis de Macron, qui est le candidat placé au pouvoir par
l'“État profond” banquiers, journalistes, économistes, financiers, politiciens…
Il n'a pas été élu pour la France ou pour les Français, mais pour les marchés
et le veau d'or. La perpétuelle mise en avant du drapeau européen et de l'hymne
de cet État impérialiste chez cet homme et les siens en témoigne : on ne
saurait dire qu'ils avancent masqués !
Que de temps perdu en
France…
Pour la France et les
Français, oui, pour les marchés, pas forcément… Je ne crois pas du tout que la
France soit le souci du président de la République. Depuis la fin politique du
général de Gaulle, en 1969, le projet politique national n'est d'ailleurs plus
autre chose que celui du capital destructeur des nations. Le mouvement des
“gilets jaunes”, avant la récupération par les partis et les syndicats qui sont
les idiots utiles du projet macronien à gauche, ils finissent toujours par
voter pour ce projet sous prétexte d'éviter un fascisme qu'ils préfèrent
assumer par les maastrichtiens…, ce mouvement, donc, avait confusément vu qu'un
populicide était en actes depuis des années.
Le mouvement des
“gilets jaunes avait confusément vu qu’un populacière était en actes depuis des
années.
Maintenant que le
coronavirus se propage en France et que le gouvernement s'est résolu à adopter
des mesures de confinement, Emmanuel Macron, le gouvernement et les relais du
pouvoir n'ont de cesse d'incriminer les Français, comme si leur incivisme était
le grand responsable de la pandémie qui nous frappe. Mais ne faut-il pas plutôt
incriminer la communication cacophonique du gouvernement, où se succèdent
chaque jour davantage les injonctions contradictoires ?
C'est la vieille
théorie du bouc émissaire qui reprend du service ! Dans sa haine des peuples et
des gens, tout à son amour du pouvoir et des puissants, l'élite fustige le
petit peuple en moquant son délire : elle insiste plus sur les pauvres qui font
des provisions de papier toilette, de sucre de farine, de pâtes et de riz que
sur les Parisiens venus à l'île de Ré qui dévalisent les magasins avec des
Caddie de 500, 600 ou 800 euros ! Les vins fins et le whisky de l'alcoolisme
mondain débordant de leurs cartons… Quelques intellectuels du genre Peter
Sloterdijk qui par ailleurs avait dit son “admiration” pour Macron ou André
Comte-Sponville qui pense politiquement la même chose que son collègue
outre-Rhin, voire BHL idem sur le terrain macronien…, sinon de plus petits
couteaux encore, estimaient, il y a peu, que le pire dans cette aventure,
c'était le délire des gens ! Un sous-BHL dont j'ai oublié le nom a dit,
probablement parlant de lui : « Le virus du délire se répand plus vite que le
coronavirus » …
N'est-ce pas le “et en
même temps” présidentiel qui fait montre de ses limites ?
Ce “en même
temps” s'avère en effet une pathologie, c'est celle de la schizophrénie à
propos de laquelle Gilles Deleuze et Félix Guattari ont dit qu'elle devrait
devenir la règle et la loi, ils ont été entendus au-delà de toute espérance…
dont se trouve affecté personnellement le chef de l'État. Ce qui s'avère
dommage pour le pays… Mais cette schizophrénie personnelle ne va pas sans un
cap politique qui, lui, est bien droit : c'est celui du en même temps
Maastricht et Maastricht. Sur ce sujet, il ne divague jamais : il parle en
schizophrène, mais il agit en monomaniaque de l'État universel.
Or, le virus
invalide profondément le logiciel maastrichtien : fermeture des frontières,
souverainisme des États, restauration du pouvoir régalien, protectionnisme, ce
qui a été vilipendé comme d'extrême droite, fascistoïde, vichyste se trouve
être le meilleur médicament pour lutter contre la peste le libéralisme
maastrichtien étant l'une des modalités de la peste…
La France est
« en guerre » et elle envoie ses soldats en blouse blanche au front sans masque
et sans protection. N'y a-t-il pas là une inconséquence criminelle que le
gouvernement est impuissant à masquer sous le vernis de sa propagande ?
Depuis un
quart de siècle, les tenants de l'État total planétaire nous ont présenté
l'Europe comme une force susceptible de devenir l'une des puissances du monde
qui comptent. Son mantra était : l'union fait la force. Je vous rappelle
d'ailleurs que la devise de l'État maastrichtien est : “Unie dans la diversité”
! Mon œil… L'Europe a exposé l'Italie à la mort et la laisse errer au milieu de
montagnes de cercueils, la République tchèque a volé des masques offerts par la
Chine à ce beau pays martyr, l'Allemagne a opté pour une stratégie, la France
pour une autre, etc. Où l'on voit que cette Europe n'était qu'un club de riches
qui se carapatent dès qu'un problème surgit. Chacun pour soi. Les bobos
parisiens quittent la capitale, la Babylone de ce monde-là, pour arriver en
pays conquis dans une province dont ils se souviennent d'un seul coup qu'elle
existe et à laquelle ils demandent d'accueillir leur misère dorée. Et cette
“Europe-puissance”, pour utiliser les concepts creux des thuriféraires de
Maastricht, tombe, frappée à mort, faute de pouvoir fournir en masques les médecins
qu'elle envoie au contact de la mort au front, pour utiliser le vocabulaire du
jeune Macron.
On voit que
cette Europe n'était qu'un club de riches qui se carapatent dès qu'un problème
surgit. Chacun pour soi.
Cette
propagande d'État, relayée par nombre d'affidés du pouvoir sur les plateaux de
télévision, n'est-elle pas un signe supplémentaire de cette « dictature
new-look » que vous avez été le premier à dénoncer ?
Oui, bien
sûr. Avec ce virus, comme avec l'usage du révélateur en photographie
argentique, le cliché apparaît enfin clairement sous la lumière rouge sang du
laboratoire : nous sommes bien dans ce monde que je dénonce chaque jour depuis
des années. Quiconque ne voit pas ne veut pas voir ! Le rideau s'est ouvert et
sur scène on découvre que le roi maastrichtien est nu. Il y a bien une
“fonction heuristique de la peur”, une vertu révélatrice de la peur, pour
parler le langage de Hans Jonas, mais pas comme il le croyait : cette
heuristique découvre la salle des machines du pouvoir de l'État maastrichtien.
On y découvre les boutons : supprimer les peuples, économiser les peuples,
mépriser les peuples, contourner les peuples, soudoyer les peuples au choix… Il
y a aussi le bouton : exposer les peuples au chômage de masse, à la misère, à
la pauvreté, à l'immigration de masse ou bien aux pandémies…
Reste que le
chef de l'État débloque des milliards introuvables avant que la pandémie éclate
pour limiter les effets dévastateurs de la crise…
Roger Ruel,
le père de ma compagne aujourd'hui décédée, avait été résistant. Formé à
l'école de la République, il ne disait que des choses frappées au coin du bon
sens. Lui qui avait connu la guerre, il disait avec raison que les
gouvernements affirmaient qu'il n'y avait jamais d'argent quand il s'agissait
d'améliorer la condition ouvrière — le fameux l'« État est en faillite » de
François Fillon, Premier ministre de Nicolas Sarkozy —, mais qu'il y en avait
toujours pour faire la guerre — le même Fillon en trouvant pour détruire la
Libye laïque… Chacun peut voir dans cette situation que, en effet, quand on
veut trouver de l'argent, on en trouve…
Emmanuel
Macron, dans sa communication, se rêve en “père de la nation”. Avez-vous
l'impression que la France est unie derrière le chef de l'État ?
Je suis
sidéré par les études qui prétendent que sa cote de confiance remonte de plus
de 10 points… La collusion entre les instituts de sondage et les rédactions de
presse n'est plus à démontrer. Ils ne disent pas l'état de l'opinion, ils la
créent. Je vois mal comment autant d'erreurs d'appréciation, autant de
tergiversations, autant de contradictions, autant de volte-face, autant
d'erreurs d'action, autant de démonstrations que l'on se moquait de ses
décisions, notamment dans les territoires vraiment perdus de la République,
autant de collusion de son ancienne ministre de la Santé avec le monde des
affaires on dira un jour les très vraisemblables conflits d'intérêts que le
mari d'Agnès Buzyn a eus avec le Pr Raoult, un probable savant génial, comment
tout cela, donc, pourrait-il être perçu positivement par les citoyens ? La
colère gronde bien plutôt et tout est fait pour qu'on ne l'entende pas…
La crise du
coronavirus ne révèle-t-elle pas et n'accentue-t-elle pas au contraire les
fractures sociales, géographiques de la France ?
Oui, le
révélateur agit là aussi. La lutte des classes n'a jamais autant été mise à nu
! Les bobos de Paris qui descendent dans leurs résidences secondaires en
province comme des satrapes, le dandysme vulgaire d'auteurs mondains qui
racontent leurs misères dorées sans même s'apercevoir de l'obscénité qu'il y a
à s'exhiber ainsi auprès des gens confinés dans de modestes appartements. C'est
à vomir !
Voyez-vous
quelque vertu à cette crise sans précédent que nous vivons ?
Il serait
malvenu, alors que des gens souffrent et meurent, que d'autres s'exposent à la
mort pour les soigner, de chercher et trouver des vertus à cette pandémie…
Miche Onfray.
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