L’engrenage
infernal du mensonge politique.
Par Paul
Zeppenfeld.
Le masque a
servi de révélateur des maux d’une technocratie à la fois omniprésente et
impotente, incapable de faire sauter ses verrous règlementaires face à
l’urgence sanitaire et poussant l’infantilisation à son paroxysme.
Passage en
revue de trois mois de déni et d’errements pendant lesquels le masque fut
qualifié d’inutile jusqu’à devenir obligatoire.
Avec
l’émergence du Covid-19, un virus transmissible entre humains d’une
contagiosité supérieure à celle de la grippe, la prévention est très
naturellement et assez rapidement devenue un sujet central dans les médias et
dans l’esprit de tous. Dès le milieu du mois de janvier on savait avec
certitude que le coronavirus se transmettait par voie respiratoire, par les
postillons et mini-gouttelettes. Le confinement individuel de la face par le
biais d’un masque apparaissait comme le dispositif de protection le plus
évident.
D’ailleurs,
fin janvier on entendait des médecins sur les plateaux TV affirmer sans ambages
que le port du masque était un très bon moyen pour éviter la diffusion d’un
virus respiratoire, comme d’ailleurs nous le montraient les reportages de
Chine, de Taïwan ou de Corée, présentant l’ensemble de la population munie d’un
masque chirurgical.
Le 22
janvier, le Dr. Salomon, directeur général de la Santé, indiquait que porter un
masque et éviter les contacts permettait de diminuer le risque contagieux.
Le 24 janvier
le ministère de la Santé conseillait même dans un tweet de porter un masque
chirurgical pour aller travailler !
Le 26
janvier, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, se voulait
rassurante en indiquant qu’en cas d’épidémie il n’y aurait pas de pénurie de
masques, car tout avait été programmé, des dizaines de millions de masques
étaient en stock, après avoir toutefois rappelé que le risque d’introduction du
virus en France était faible…
Et pourtant
le 27 janvier une première commande de masques était passée par le ministère.
Nous étions
donc rassurés, alors que la France venait d’enregistrer son premier cas de
Covid-19.
L’engrenage
infernal du mensonge, soutenu par une communication scabreuse.
Face à
l’urgence sanitaire, les premiers cris d’alarme des soignants en milieu
hospitalier se sont fait entendre ; en plus du manque de charlottes, de
surblouses, de lits et équipements de réanimation, ils se sont plaints d’un
manque criant de masques ; ils ont été suivis par les médecins de ville et les
directions des EPHAD. Très vite, les réactions se sont enchaînées de la part de
plusieurs syndicats et fédérations de professionnels de santé, parlant d’un
scandale d’État conduisant à envoyer des soignants à l’abattoir sans aucune
protection.
Ce personnel
de santé en première ligne a d’ailleurs payé un lourd tribut avec le décès de
plusieurs médecins libéraux et plus de 4000 professionnels de santé contaminés
rien qu’au sein de l’AP- HP.
Le 3 mars,
Olivier Véran, nouveau ministre de la Santé confirma l’ordre de grandeur de
l’évaluation des stocks de masques faite par Agnès Buzyn fin janvier, soit 150
millions, mais début mars les circonstances avaient changé : avec l’afflux de
malades, les soignants commençaient à subir la pénurie et les Français
comprenaient que nous étions en train reproduire la courbe italienne avec
simplement quelques jours de décalage. Les déclarations du ministre sonnaient
comme un premier aveu de la négligence des autorités.
Bis repetita
le 17 mars 2020, lorsqu’Olivier Véran estima cette fois-ci à 110 millions de
masques les stocks de l’État.
Mais alors,
quid du réapprovisionnement depuis fin janvier
Entretemps,
pour faire diversion ou pour tenter de se dédouaner, on assista à un grand
classique du débat politique français : le rejet de sa responsabilité sur la
mandature précédente. La grande presse nationale qui fait son miel des petites
querelles politiciennes lança la machine à remonter le temps pour dénicher les
vrais coupables de la dilapidation d’un stock de plus d’un milliard de masques
en 2012.
Certes, cela
permit de comprendre que la gestion des masques avait été délocalisée pour se
perdre dans les méandres de la bureaucratie hospitalière, mais surtout que le
réapprovisionnement n’avait pas été jugé opportun, y compris face à l’épidémie
d’Ebola de 2014-2016.
Ce débat
stérile sur les causes lointaines de la pénurie n’allait pas suffire à masquer
le fiasco dans la gestion actuelle de l’approvisionnement : presque deux mois
après les premières constatations sur l’état des stocks, les hôpitaux comme les
médecins de ville subissaient encore et toujours la même tension sur les équipements
et se réjouissaient de recevoir des dons de matériels de protection de leurs
propres patients et de l’étranger.
Les
autorités, quant à elles, répétaient inlassablement le même discours faussement
rassurant et dilatoire sur les commandes en cours dont l’arrivée était annoncée
comme imminente semaine après semaine. Alors que l’on constatait que le port du
masque était généralisé à l’ensemble des populations dans toute l’Asie, qu’au
Maroc le masque était vendu en supermarché et qu’en Grèce il était livré avec
le journal du matin…
Mais face à
la colère de plus en plus vive du monde médical et des citoyens ayant vu
basculer leur vie ou celle de leurs proches, notre technocratie n’a qu’une
obsession : relativiser par tous les moyens l’intérêt du port du masque pour se
soustraire à ses responsabilités et se couvrir devant la perspective des
enquêtes et des procédures judiciaires à venir.
On assista
donc, contraint et forcé, à un florilège gouvernemental de mensonges et de
défausses pour instiller le doute sur une vérité pourtant limpide et admise
dans le monde entier : le masque protège d’une contagion par voie respiratoire.
À l’aide d’explications et d’illustrations extrêmement simples, la plupart des
Français avaient compris que le masque était bien le geste barrière le plus
efficace.
Mais qu’à
cela ne tienne, l’infantilisation a été menée à son paroxysme : on a donc tenté
de nous faire croire que le masque n’était utile que pour les soignants,
puisqu’ils étaient en contact direct avec les porteurs de virus, faisant fi de
tout bon sens. Et pour mieux nous faire oublier le masque, il ne fut jamais
incorporé aux gestes barrières pourtant martelés avec constance.
Dans le même
esprit la porte-parole du gouvernement affirmait sans rire ne pas savoir
utiliser un masque, une manipulation qui ne pouvait donc être réservée qu’aux
experts, puis déclara même le 17 mars que le masque n’était pas nécessaire si
l’on n’était pas malade, justifiant ainsi le fait qu’ils n’étaient pas
disponibles en pharmacie.
Il est vrai
qu’entretemps, le 13 mars, le Premier ministre Édouard Philippe prit un décret
de réquisition des stocks et de la production de masques, répétant encore qu’en
porter un dans la vie courante ne servait à rien, suivant ainsi « l’avis des
médecins et des scientifiques »… alors que depuis des semaines, la direction
générale de la Santé (DGS) et les experts médicaux soulignaient qu’une personne
asymptomatique pouvait elle-même être contagieuse ! Et Emmanuel Macron enfonça
le clou dans une interview au journal Le Point le 16 mars en laissant entendre
que les masques ne servaient à rien pour se protéger !
La caution
scientifique a été utilisée tout au long de la phase de déni pour valider la
tenue des élections municipales comme pour fixer la date du déconfinement. En
réalité le gouvernement n’a jamais été transparent sur la teneur exacte des
avis du Conseil scientifique, soit en faisant une interprétation très
personnelle à l’occasion des élections, soit en tardant à rendre public le
détail des recommandations du Conseil. On a pu observer la même duplicité des
autorités devant les décisions de l’OMS, ne manquant pas de relayer sa position
timorée sur le port du masque, mais s’abstenant de vanter les recommandations
sanitaires plus protectrices de l’organisation internationale.
Le masque,
révélateur de l’incurie d’une technocratie omniprésente mais impotente.
À l’évidence
la politique budgétaire de la dernière décennie privilégiant les flux par
rapport aux stocks a entraîné un assèchement des réserves de masques, mais ce
reproche de gestion comptable comme celui de la désindustrialisation sert
souvent d’excuse à la véritable impéritie de cette bureaucratie.
Certes, la
forte demande tous azimuts a mis le marché du masque sous tension et augmenté
ses prix, mais les filières d’importation ont en vérité fonctionné à plein
régime comme le montrent les acheminements effectués vers certains pays pendant
toute la période.
Le décret de
réquisition du 13 mars a constitué un véritable goulot d’étranglement. L’État a
confisqué les stocks et interdit la vente des masques, mettant un coup d’arrêt
aux importations habituelles réalisées par les centrales d’achat, et provoquant
ainsi une pénurie.
Dans un souci
de contrôle de l’approvisionnement des hôpitaux, l’État et ses annexes
médicales ont bien tenté de prendre le relais, mais en faisant preuve d’un
excès de confiance et en mésestimant le contexte économique et ses capacités de
négociation. En comparaison, la stratégie allemande a misé avec succès sur
l’intervention de la centrale d’achat de l’armée, une entité en lien direct
avec les décideurs industriels et politiques chinois et dont le processus de
négociation a été facilité par la qualité des liens entre fournisseurs
allemands de machine-outil et clients chinois.
En réalité le
masque a servi de révélateur des maux d’une technocratie à la fois omniprésente
et impotente, incapable de faire sauter ses verrous règlementaires face à
l’urgence sanitaire, comme le paiement de ses fournisseurs par mandat
administratif à 90 jours.
Mais non
content de son échec à équiper ne serait-ce que le personnel médical et les
EPHAD, il a fallu qu’elle pénalise les initiatives individuelles de ceux qui
avait la possibilité de suppléer à ses défaillances : c’est ainsi que les
pharmaciens avaient obligation de décliner les offres d’approvisionnement de
leur centrale d’achat !
Après tant de
blocages règlementaires et d’atermoiements fautifs, la position de nos élites
sur le port du masque a fini par s’assouplir, mais une fois de plus, c’est en
attribuant ce changement de doctrine aux experts et scientifiques, qui auraient
prétendument évolué en faveur du port du masque. Passé le déni, le temps
n’était toutefois pas encore à l’aveu puisqu’ils continuèrent à prétendre que
la mesure la plus efficace restait la distanciation et à se cacher derrière
l’absence de consensus scientifique entre une Académie de médecine favorable au
masque et une OMS dont les tergiversations n’ont d’égale que celle de notre
exécutif.
Le 7 avril,
Olivier Véran n’excluait plus le port du masque à l’ensemble de la population,
le 13 avril Emmanuel Macron promettait un « masque grand public » à chaque
Français. Après avoir organisé la pénurie, le gouvernement a fini par annoncer
fin avril, non sans circonvolutions, que le port du masque était recommandé et
qu’il deviendrait obligatoire dans les transports et en milieu scolaire après
le déconfinement !
Trois mois de
déni et d’imbroglio administratif qui seraient risibles s’il ne s’était pas agi
de santé publique et accessoirement de l’image de la France.
Ce n’est qu’à
l’approche de la date du déconfinement, fixée au 11 mai, qu’enfin les
pharmacies étaient à nouveau autorisées à vendre des masques et que la grande
distribution annonçait à grand renfort médiatique l’arrivée en grande surface
de plusieurs centaines de millions masques à partir de 4 mai, provoquant la colère
d’élus locaux, toujours en attente de masques commandés auprès des Agences
Régionales de Santé (ARS).
Ces élus
locaux, vexés d’avoir dû subir les affres de la pénurie, n’ont rien trouvé de
mieux que d’accuser la grande distribution d’avoir stocké les précieux
équipements malgré la réquisition, et donc d’avoir empêché l’État de se
fournir. Et une grande distribution qui indique avoir passé commande sur
sollicitation de l’État… Des acteurs privés réactifs et maîtrisant les filières
d’importation versus une bureaucratie impotente et bouffie de suffisance.
Vous aimez
cet article ? Partagez-le !
Par Paul
Zeppenfeld
Mathilde Panot@MathildePanot.
Les
masques tombent à mesure que les masques manquent !
« Les plus précaires n’auront plus qu’à choisir entre
manger ou se protéger. Il n'y a qu'un seul prix à fixer pour la santé : sa
gratuité ! »
Ma question au Premier Ministre sur les #masques.
Lien vidéo et commentaires :
« Voilà tout est dit ! »
« Merci pour votre brillante prestation et aussi
pour votre courage. En arriver à "mendier" des masques pour se
protéger dans un pays comme la France, j'en ressens beaucoup de colère et de
honte de mon pays. »
« Ils nous expliquent que "la santé n'est
pas une marchandise..." Alors pourquoi est-ce un aussi gros business ? »
C. Rosenzwitt-Makiewsky
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire