En 1945, le grand rabbin de Rome, Israel Zolli, se convertit au catholicisme
En 1945, Israel Zolli, grand rabbin de Rome ayant guidé sa communauté pendant la Shoah, se convertit au catholicisme. Un choix mystique qui choque les Juifs de Rome et du monde entier.
Mise à jour le 15/09/25
En février 1945, alors que l’Italie pansait les plaies de la Seconde Guerre mondiale, un événement secoue la communauté juive de Rome : Israel Zolli, grand rabbin de la ville depuis 1939, se convertit au catholicisme. Cette décision, prise par un érudit juif respecté ayant guidé sa communauté à travers l’horreur de l’Holocauste, suscite choc et incompréhension. Comment un homme qui a risqué sa vie pour sauver des Juifs a-t-il pu embrasser une autre foi ? Voici son histoire, un récit de foi, de survie et de fractures historiques, éclairé par des sources fiables.
Une vie au service du judaïsme
Né en 1881 à Brody, en Galicie (actuelle Ukraine, alors sous l’Empire austro-hongrois), Israel Zolli grandit dans une famille juive orthodoxe. Érudit du Talmud et des langues sémitiques, il devient une figure intellectuelle majeure. Après avoir enseigné l’hébreu à l’université de Padoue, il est nommé rabbin de Trieste, puis grand rabbin de Rome en 1939, à l’aube d’une période tragique pour les Juifs d’Europe.
À Rome, Zolli se retrouve au cœur de la tourmente. En 1943, les nazis occupent la ville et exigent 50 kg d’or de la communauté juive pour épargner des déportations. Zolli propose de se livrer en otage pour protéger les siens, un geste audacieux. Lors de la rafle du ghetto de Rome, le 16 octobre 1943, il se cache, notamment avec l’aide du Vatican sous l’égide du pape Pie XII, tout en organisant la protection de Juifs traqués (Yad Vashem, Histoire du ghetto de Rome). Ses trois frères périssent dans l’Holocauste, mais Zolli survit.
Une vision dans la tourmente
C’est dans ce contexte de guerre que le grand rabbin Zolli affirme avoir vécu un tournant spirituel. Dans son autobiographie, Before the Dawn (1950), il raconte une expérience mystique survenue en 1943, pendant Yom Kippour, dans la synagogue de Rome.
“Ce fut comme si un brouillard se glissait peu à peu à l’intérieur de mon âme. Il devint plus dense, et je perdis le contact avec tous ceux m’entouraient (…) Soudain, je vis avec les yeux de l’esprit, une grande prairie, et, debout au milieu de l’herbe verte, se tenait Jésus revêtu d’un manteau blanc… À cette vue, j’éprouvai une grande paix intérieure, et au fond de mon cœur, j’entendis ces paroles : “Tu es ici pour la dernière fois. Désormais, tu me suivras”. Je les accueillis dans la plus grande sérénité et mon cœur répondit aussitôt : “Ainsi soit-il, ainsi le faut-il”… Une heure plus tard, après le souper, dans ma chambre, ma femme me déclara : “Aujourd’hui, tandis que tu te tenais devant l’Arche de la Torah, il me semblait que la figure blanche de Jésus t’imposait les mains, comme s’Il te bénissait”. J’étais stupéfait… À ce moment-là, notre plus jeune fille, Myriam, qui était retirée dans sa chambre et n’avait rien entendu, m’appela pour me dire : “Vous êtes en train de parler de Jésus-Christ. Tu sais, Papa, ce soir j’ai vu en rêve un grand Jésus tout blanc”. Je leur souhaitai une bonne nuit à toutes les deux et, sans aucune gêne, je continuai de réfléchir à la concordance extraordinaire des événements.”
Zolli affirme avoir promis à Dieu de se convertir s’il survivait à la guerre, une promesse qu’il tiendra.
Le 13 février 1945, quelques mois après la libération de Rome par les Alliés, Israel Zolli et son épouse Emma sont baptisés dans l’Église catholique à la basilique Sainte-Marie-des-Anges, par Mgr Luigi Tralia. Zolli choisit le nom Eugenio en hommage au pape Pie XII (Eugenio Pacelli). Dans une interview, il explique :
« Je n’ai pas abandonné la Synagogue pour l’Église. Le christianisme est l’achèvement de la Synagogue. La Synagogue était une promesse, et le christianisme en est l’accomplissement. »
Une décision qui déplait
La conversion du rabbin provoque une onde de choc dans la communauté juive romaine, encore traumatisée par la Shoah. La synagogue proclame un jeûne de plusieurs jours, un geste rare signifiant une crise spirituelle profonde. Zolli est excommunié et qualifié de reshumad (apostat). Certains l’accusent d’avoir abandonné son peuple en se réfugiant au Vatican pendant la guerre, bien que des documents historiques confirment son implication dans la protection des Juifs.
Zolli, lui, défend sa décision comme une continuité spirituelle. Dans Before the Dawn, il écrit :
« Ma conversion n’est pas une rupture, mais une progression. Le judaïsme m’a conduit au Christ, comme une route mène à une destination. »
Il insiste sur le fait que son érudition juive l’a préparé à voir en Jésus l’accomplissement des prophéties messianiques, une idée irrecevable pour le judaïsme traditionnel, qui attend un Messie instaurant une paix terrestre.
Une nouvelle vie, un héritage disputé
Après sa conversion, Zolli abandonne son rôle de rabbin. Il enseigne la philosophie à l’université La Sapienza de Rome et contribue à l’Institut biblique pontifical. Il meurt en 1956, à 74 ans. Pour les catholiques, sa conversion est un symbole de réconciliation entre judaïsme et christianisme, surtout après les horreurs de l’Holocauste. Pour la communauté juive, elle reste une blessure, perçue comme un abandon.
“Les juifs qui se convertissent aujourd’hui, comme à l’époque de saint Paul, ont tout à perdre en ce qui concerne la vie matérielle et tout à gagner en vie de la grâce. Je suis entré dans l’Église non pas en reniant mon passé, mais en le portant avec moi. »
https://lemediaen442.fr/en1945-le-grand-rabbin-de-rome-israel-zolli-se-convertit-au-catholicisme/
Fin de l’article.
C. Rosenzwitt-Makiewsky-Santri
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